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Jean Van Hamme expérimente brièvement
la vie maritale de 1967 à 1970 ; de cette union naîtront deux garçons
: Nicolas et Thomas. C'est par l'intermédiaire de sa femme que Jean
Van Hamme va devenir scénariste de BD. Elle était l'un des modèles
du peintre-dessinateur Paul Cuvelier. Van Hamme fait la connaissance
de ce dernier en mars 1966.
Il lui propose ses services, offrant de soumettre un scénario en
compensation du modèle perdu.
"Je voulais être raconteur d'histoires,
pas seulement scénariste. Depuis tout petit, comme tous les enfants,
j'inventais des histoires et je les écrivais. Comme la BD était
très florissante en Belgique et qu'elle paraissait moins inaccessible
que la littérature ou le cinéma, elle attirait immédiatement. Eric
Losfeld avait déjà publié "Barbarella" et "Jodelle", les premières
BD adultes de qualité, et Cuvelier avait envie de dessiner quelque
chose dans le même genre. Comme c'était un remarquable dessinateur
qui aimait les nus, je lui ai soumis un récit mythologique qui permettait
de faire passer l'érotisme sans aggressivité. J'avais bien essayé
auparavant d'envoyer des scénarios, chez Dupuis notamment, mais
je n'avais jamais eu de réponse. Cette opportunité avec Cuvelier
était donc une chance inestimable".
Parallèlement à ses activités
professionnelles, il écrit donc son premier scénario en 1968 pour
Paul Cuvelier ("Epoxy") et enchaîne avec quelques pages de Modeste
et Pompon avec Dino Attanasio et Mittéï, et de Gaton Lagaffe pour
Franquin. Peu après, Cuvelier lui demanda de lui écrire des "Corentin",
dont il scénarise en 1968 et en 1973 les sixième et septième épisodes,
ce qui lui permit de rentrer au Lombard par la grande porte. (Pour
cette même série, il collabore en 1989 à son adaptation sous la
forme de courts métrages d'animation avec les studios Belvision).
En fait, entre Cuvelier et Van Hamme, la collaboration n'a pas eu
lieu. Le dessinateur recevait les scénarios complètement découpés
et les respectait à la ligne près.
Van Hamme dactylographiait son texte avec les
dialogues en rouge puis établissait au verso la distribution des
vignettes. "J'ai toujours présenté mon travail ainsi, sans petits
dessins explicatifs car j'en suis incapable. Même quand j'écrivais
des gags de Gaston pour Franquin, je les lui envoyais sous cette
forme. Bien sûr, il les réadaptait systématiquement : j'ai dû lui
en écrire douze pour qu'il en choisisse trois". En 1969 et 1970,
il conçoit également quelques récits de Magellan illustrés par Géri.
Entre 1964 et 1970, Jean Van Hamme envoie régulièrement des synopsis
pour des personnages existants déjà ou pour des nouvelles séries
aux rédactions de Spirou et de Tintin. Ni d'un côté ni de l'autre,
il ne reçoit de réponses.
Finalement, le rédacteur en chef de Tintin, Greg,
retient "Histoire sans héros" et le propose à Dany qui est emballé
par cette histoire. Publié dans d'assez mauvaises conditions et
sans publicité particulière, ce récit connaît un grand succès et
reçoit le prix Saint-Michel du meilleur scénario réaliste. Il collabore
ensuite régulièrement au journal Tintin. Pour ce magazine, il reprend
Domino (histoire d'un agent secret qui ratait tout ce qu'il entreprenait)
en 1974, à la suite de Greg, en compagnie d'André Chéret. "Domino,
c'est le bide de ma carrière ! C'est dommage car je m'amusais bien
avec ce personnage. Je m'étais documenté sur le langage de l'époque
et j'essayais de respecter le style de Greg que j'admirais beaucoup.
Hélas, je ne me suis pas très bien entendu avec Chéret. A un moment
donné, il a interrompu la série pendant deux ans, puis nous avons
repris jusqu'au cinquième épisode... mais en moyenne, nous avons
dû vendre 2000 exemplaires de chaque album : un vrai flop !"
En 1974, il scénarise également Michel Logan à la demande d'André
Beautemps dont la mort en 1978 marquera la fin de cette série prometteuse.
Il scénarisa également quelques épisodes de Tony Stark pour Edouard
Aidans. En 1976, il fit la rencontre le dessinateur polonais, Grzegorz
Rosinski, qui voulait "faire de la BD".
"J'ai vu arriver ce type qui ne parlait pas un
mot de français et je lui ai fait faire un petit devoir....j'ai
pris deux pages d'un scénario de Michael Logan et je lui ai demandé
de me les illustrer pour le lendemain matin. Ce qu'il a fait n'était
pas très réussi techniquement mais il y avait du punch. Je me suis
dit qu'en le canalisant, en lui apprenant à mieux cadrer ses personnages,
ce type devait sortir de l'ordinaire. Comme je travaillais régulièrement
pour Le Lombard, j'ai pris Rosinski par le cou et nous sommes allés
voir Duchâteau, le rédac-chef de l'époque, avec qui j'avais de bonnes
relations. Le problème résidait en ce que Rosinski ne voulait pas
dessiner du moderne car il n'avait pas de documentation et qu'il
n'aimait pas ça, qu'il ne voulait pas de politique, pas de ceci,
pas de cela,... Comme il était slave et que j'ai toujours été sensible
à ce qu'on appelle la culture germanique, j'ai proposé une aventure
chez les Vikings vue sous un angle mythologique. Nous sommes donc
partis sur ce sujet en réalisant des récits en chapîtres..."
....et ils créèrent Thorgal en
1977 qui rencontra rapidement un vif succès auprès du public adolescent.
En 1978, Dany demanda à Van Hamme de lui inventer un personnage
commercial, style "Amicalement vôtre". Cela donnera Arlequin qui
ne sera pourtant pas un succès car la série est mal ciblée : un
peu trop second degré pour les plus jeunes et pas assez construit
au niveau de l'histoire pour les plus âgés. En plus, les interventions
de Dany dans le scénario de Van Hamme rend la collaboration laborieuse.
Au début de 1976, Greg avait proposé à Van Hamme de reprendre Bruno
Brazil. Cela lui permit de rencontrer William Vance qui habitait
à deux pas de chez lui. Comme Van Hamme aimait beaucoup le dessin
de Vance, leur collaboration se concrétisa un peu plus tard (1984)
par XIII (série d'aventure et d'espionnage) qui reste dans un univers
assez voisin de celui de Bruno Brazil.
"J'ai proposé XIII à Novedi, Dargaud et Dupuis. Dargaud Benelux
l'a emporté. Les premières séquences de XIII sont inspirées par
le roman de Robert Ludlum : La Mémoire dans la Peau, mais c'est
seulement un point de départ. Comme je cherchais un personnage et
que j'avais lu ce bouquin, je me suis dit que l'idée du héros amnésique
n'était pas mauvaise. Par contre, la façon dont Ludlum l'avait exploité
ne m'avait pas beaucoup plu...".
Jean Van Hamme avait écrit un
scénario de télévision qui n'était pas une commande et qu'il n'avait
pas réussi à placer. Le contenu critiquait un socialisme protectioniste
exagéré, alors qu'en plein gouvernement Mittérand, la télévision
française voulait du social joyeux et optimiste. La RTBF, elle,
ne tournait plus de téléfilms et était également gênée par la collaboration
politique permanente. Finalement, en 1984, ce projet avorté allait
devenir "SOS Bonheur" dessiné par Griffo. Depuis 1982, Van Hamme
avait pris contact avec Casterman. Il proposait un sinopsis assez
vague reposant sur un univers "tolkenien". Casterman demandait un
peu plus de précision sur le contenu de l'histoire, Van Hamme a
l'idée de raconter une version très décalée du Nouveau Testament.
Cela déboucha sur "Le Grand Pouvoir du Chninkel", dessiné par Rosinski
dans A Suivre en 1986, grand prix des Alpages à Sierre en 1987 et
Alph'art du public à Angoulême en 1989.
En avril 1986, le groupe
belge G.B.L. propose Van Hamme au poste de directeur d'édition chez
Dupuis. Van Hamme assouvit ainsi un vieux rêve en devenant éditeur
! Pourtant, en mars 1987, il démissionne, retournant à l'écriture
de ses scénarios En 1990, il reprend en bande dessinée Largo Winch
(d'après ses propres romans), illustré par Philippe Francq aux éditions
Dupuis. En 1992, il conçoit Les Maîtres de l'Orge en compagnie de
Francis Vallès. Jean Van Hamme est également l'auteur de scénarios
de films de télévision pour la RTBF, de l'adaptation de Diva pour
Jean-Jacques Beinex et de Meurtres à Domicile réalisé par M. Lober.
En 1992, après la mort de Bob de Moor, il est nommé président du
C.B.B.D. (centre belge de la Bande dessinée). Van Hamme fut ensuite
contacté par les éditions Dargaud, devenues propriétaires, en 1992,
de la totalité des droits de l’oeuvre d'Edgar P. Jacobs afin de
donner une suite aux aventures de Blake et Mortimer. Pour gagner
ce pari, il fallait un scénariste et un dessinateur dont les talents
additionnés pouvaient approcher le génie unique d’Edgar P. Jacobs.
Jean Van Hamme était, en Belgique, un orfèvre de l’intrigue, un
virtuose éprouvé de la narration et du dialogue, le français Ted
Benoit passait pour être le plus brillant adepte de la « ligne claire
», dont avec Hergé, Jacobs fut le maître.
Et « L’affaire Francis Blake » nacquit.... .
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